Ils sont riches, adulés mais ils ont un problème avec la France, à moins que ce ne soit l’inverse. Quand Booba croise son pote Nicolas Anelka, ils parlent du pays.
Quand vous êtes-vous rencontrés pour la première fois ?Booba – Je crois que c’était chez Omar, d’Omar et Fred. Il nous a présentés à l’occasion d’un barbecue, chez lui à Maisons-Laffite.
Nicolas Anelka – C’était pendant l’été 2005, à l’époque je jouais en Turquie, à Fenerbahçe.
Nicolas, tu connaissais Lunatic, le premier groupe de Booba ?Nicolas Anelka – Oui, j’ai découvert Lunatic en 2000. C’est un de mes coéquipiers de l’équipe de France espoirs, Philippe Christanval, qui m’a fait connaître. J’ai tout de suite accroché sur les textes, sur la voix de Booba.
Booba – Je ne suis pas à fond dans le foot, mais je connaissais le nom de Nicolas depuis longtemps. Le sport m’intéresse, mais pas vraiment les sports collectifs. J’ai rarement joué au foot. A part une fois, on m’a fait rentrer à dix minutes de la fin, sous la pluie, j’ai mis quelques tacles et je suis sorti.
Nicolas Anelka – Moi, je n’aurais jamais pu être rappeur. J’en connais des rappeurs, c’est un métier. J’ai déjà essayé, le résultat est dégueulasse (rires). Il faut savoir écrire des textes aussi, et c’est pas mon truc. J’ai arrêté les cours assez vite à cause du foot, à partir de la troisième j’ai eu des programmes aménagés pour pouvoir aller aux entraînements, donc je n’ai pas vraiment eu le temps d’étudier le français…
Booba – Tu sais pas lire en fait (éclats de rire).
La France, leurs origines, la Marseillaise
Est-ce que le fait d’être de la cité, et de le revendiquer, a joué contre toi ?Nicolas Anelka – C’est surtout le fait d’être le premier joueur à venir de la cité et à avoir une Ferrari qui donne mal à la tête aux gens. Je n’ai jamais compris pourquoi. Quand j’étais à Madrid, j’avais 20 ans, j’avais l’argent, j’ai acheté une Ferrari. Et les gens me l’ont reproché.
Booba – C’est parce qu’on vient de la banlieue. On ne parle pas du fait que Johnny Hallyday se déplace en hélicoptère. Pour beaucoup de Français, les mecs de banlieue, ils sont en galère. Les Noirs, ils sont habitués à les voir balayer dans la rue, faire les poubelles, garder les enfants des plus riches. Ou chanter Saga Africa. Les Noirs, ils marchent pieds nus, ils dansent. Mais dès que tu commences à faire du business, oh la la…
Dans ton dernier album, tu dis “la patrie n’aime pas les négros”.Booba – Je dis “Le jour de gloire est arrivé, enfants de la patrie/Kalachnikov chargé, toujours de la partie/Mais la patrie n’aime pas les négros.” A l’école, on t’apprend La Marseille, “qu’un sang impur abreuve nos sillons”. Ce sang impur, c’est le mien. Du sang d’Algérie, du sang d’Africain.
Nicolas Anelka – En équipe de France, je n’ai jamais voulu chanter La Marseillaise, ça ne m’est jamais venu à l’idée. Et si on m’avait demandé de le faire, j’aurais refusé, j’aurais quitté l’équipe.
La Coupe du Monde, Domenech, les insultes d’Anelka
En tout cas, la punchline de l’année, c’est toi, Nicolas, qui l’a faite pendant la Coupe du monde…Nicolas Anelka – Non, c’est eux qui l’ont faite. Moi, je n’ai pas dit ce qui était en une de L’Equipe (« Vas te faire enculer, sale fils de pute » ndlr). Si vraiment j’avais dit ça, je l’aurais assumé. C’est grave, c’est super grave. J’ai toujours assumé. Ils ont fait leur une avec quelque chose que je n’ai pas dit.
Booba – Moi, j’étais atterré pendant la Coupe du monde. J’attendais la chute de l’équipe de France. C’était mort depuis le début. Domenech, il met à droite les joueurs qui jouent normalement à gauche. Il utilise l’horoscope pour faire son équipe. Mais la fois où il m’a plié, c’est quand il a demandé sa meuf en mariage après un match pitoyable. Tu fais ça en Angleterre ou en Italie, t’es mort.
On a beaucoup dit qu’il y avait le clan des joueurs noirs, des Antillais…Nicolas Anelka – On a vu le vrai visage de la France. Dans les moments difficiles, on voit ce que les gens pensent vraiment. On disait “Ribéry a frappé Gourcuff. Gourcuff, le bon Français, Ribéry, le musulman”. C’est parti trop loin. Quand on ne gagne pas, en France, on parle tout de suite des religions, des couleurs…
Tu ne reviendras jamais en équipe de France, Nicolas ?Nicolas Anelka – Mais comment ça se fait qu’on parle encore de moi pour l’équipe de France ? La vérité, c’est que j’avais dit à Domenech, avant la Coupe du monde, que j’arrêterai la sélection après la compétition, quoi qu’il arrive là-bas. Je lui ai dit clairement. La fédération le sait aussi. Mais ils ne l’ont jamais dit. Ils veulent sortir grandis de cette histoire, comme s’ils avaient rétabli l’ordre. Moi, si Evra ou Abidal avaient été virés, je serais parti avec eux. Chacun sa façon de fonctionner.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le magazine les Inrockuptibles du mercredi 1er décembre.Source :
http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/55851/date/2010-11-30/article/interview-exclusive-anelka-booba-enfants-de-la-patrie/