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Question: Medecin quand reviendras tu?
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Auteur Fil de discussion: livre: "medecin quand reviendras tu?"  (Lu 7416 fois)
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robert escande
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« le: 17 Novembre 2011 à 09:37:40 »

Médecin, quand reviendras-tu ?

Ce roman a le gout de la réalité, du réalisme sauvage et dérangeant…et nous fait passer du rire aux larmes devant le triste tableau des conditions d’exercice d’un métier sans concessions. Il n’est pas possible d’ignorer alors que son auteur est médecin lui-même !

Il nous révèle un monde de souffrance et d’espérance, le tout écrasé par une dictature administrative que nous ne soupçonnions pas. Il nous pousse à nous révolter contre cette entreprise de démolition de la médecine libérale, qui, autrefois, faisait la fierté de notre spécificité française, tout comme les libertés individuelles, de plus en plus menacées par un état devenu difficilement supportable.

Bien entendu, les noms des lieux et des personnages sont fictifs pour respecter le secret médical :
« Toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite ». On peut toujours essayer de se rassurer avec un : « ça n’est pas près d’arriver en France ! ».

Auteur : Robert Escande
Editions Baudelaire
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« Répondre #1 le: 09 Décembre 2011 à 08:08:04 »

Publié le 3 décembre 2011

naissance inopinée
Robert Escande

«Tu T’y connais un peu Toi en accouchemenT


Dans son roman, Robert Escande raconte son quotidien
de médecin généraliste dans la campagne
ardéchoise. A travers le récit d’un accouchement, il
évoque la fermeture progressive des maternités de
proximité à la campagne. Extraits (1/2)

Dans tout récit épique d’un médecin de campagne
digne de ce nom, il y a toujours un accouchement.

Nombreux sont les généralistes confrontés à
cette situation pour laquelle, il faut l’avouer, ils
ne sont pas toujours bien préparés. Ayant mis
au monde mes quatre enfants, sans compter l’expérience
acquise au cours de mon stage en maternité
à l’hôpital de Salon de Provence, je n’avais pas
d’angoisse particulière sur le geste en lui-même.
Quand tout se passe bien, c’est un geste naturel, les
femmes accouchaient des milliers d’années avant
l’invention de la médecine.

Mais je me suis toujours méfié des circonstances.

C’est une chose que d’assister à une naissance
dans les locaux rassurants d’un service d’obstétrique,
quand tout le matériel est présent et
les compétences rassemblées pour faire face à
toutes les situations. Mais s’en est une autre de
faire accoucher une patiente chez elle ou dans
une voiture. Les complications à craindre ne sont
heureusement pas fréquentes, mais si le nouveau
né souffre d’une hypoxie par exemple, c’est toute
sa vie qu’il traînera des séquelles neurologiques
graves. Malgré quelques demandes, je n’ai jamais

voulu planifier un accouchement à domicile. Si

cette éventualité devait un jour se produire, nous
l’assumerions sans plus d’angoisse que cela, mais
je ferais toujours de mon mieux pour que mes patientes
arrivent en bonne forme à l’hôpital avant
de commencer le travail.

Bien entendu, j’ai été confronté à des accouchements
inopinés. Je ne parle pas du dernier en date
à l’époque où j’étais encore urgentiste à Aix en Pro


vence. Ma brave patiente, maghrébine multipare,
m’avait elle-même tendu le bébé dans l’ambulance
avec un large sourire. A Saint-Etienne en Montagne,
il fallait forcément que cela soit plus spectaculaire.
Comme il se doit, le cadre de l’action devait se dérouler
de nuit, sous la neige, chez une patiente qui
attendait des jumeaux et qui, bien avant son terme,
venait d’avoir une hémorragie gynécologique cataclysmique.
Le papa, après avoir déclenché

l’alerte, avait définitivement tourné de l’oeil et

ne réapparut que le lendemain.

Après avoir déclenché le plan « ORSEC » local de secours
à personne, je demandais une jonction SAMU.
Comme à mon habitude, j’accompagnais ma patiente
dans l’ambulance après l’avoir perfusée, peu rassuré
par l’abondance de la spoliation sanguine initiale.
A la jonction de la VLTT, le véhicule qui convoyait
le médecin urgentiste de l’hôpital d’Aubenas toutes
sirènes hurlantes, et de notre VSAB, mes illusions de
pouvoir vite retrouver mon lit douillet s’évanouirent
en une phrase :

-« Salut Robert, dis moi tu t’y connais un peu toi en
accouchement, parce que moi je n’en ai jamais fait,
alors tu penses une grossesse gémellaire ! »

Je lus dans les yeux suppliants de ma patiente qui
n’avait pas perdu un mot de notre bref échange
que mon voyage allait se poursuivre jusqu’à son
terme. Le médecin urgentiste était un rhumatolo


gue, d’ailleurs fameux, qui arrondissait ses fins de

mois en prenant quelques gardes au SAMU. C’est
tous ensemble que nous sommes arrivés à la clinique
du Vivarais, qui était à ce moment là encore pourvue
de son service de maternité. Nous avons mis
au monde, sur le brancard du couloir des urgences,

deux magnifiques petites filles.

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Publié le 3 décembre 2011

«Tu T’y connais un peu Toi en accouchemenT ?»


Depuis, l’administration, soucieuse de ses éternelles
statistiques, a décidé qu’en dessous de 400
accouchements par an, elle allait fermer toutes
les maternités de proximité « pour raison de sécurité
». Une manière tout à fait schizophrénique
d’avoir un discours théorique qui se pare de vertu,
pour cacher des réalités beaucoup moins romantiques
de taille sombre dans les budgets de fonctionnement.
Une maternité qui pratique 300 accouchements
sera fermée, alors même qu’elle n’a jamais

eu à déplorer le moindre incident, au profit d’une

autre plus grande, indépendamment du nombre de
plaintes ou du taux de mortalité néo-natale.

Quand ces textes de loi seront véritablement
appliqués, après avoir fermé les maternités
d’Aubenas, de Mende, et du Puy en Velay, il ne
restera aux futures mamans de Saint-Etienne en
Montagne que la possibilité d’aller accoucher à
plus de 100 km de leur domicile, avec les conditions
de circulation qu’on connaît. Peu importe
le nombre de patientes et de bébés qu’on perdra en
route. L’administration, pour notre bien à tous, ne
raisonne qu’en termes de statistiques comptables,
d’économies de bouts de chandelles, qui n’en sont
pas quand on intègre tous les coûts. La politique n’y
changera rien, c’est l’ENA qu’il faut interdire, les
droits de l’homme qu’il faut sauver, la « Marseillaise
» qu’il faut réécrire.

Extraits de Médecin, quand reviendras-tu ?, Editions
Baudelaire (12 mai 2011)


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